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Nocturne

Nocturne est un projet industriel initié par Saphi en 1994. De la veine ambient ou plus noise qui a caractérisé son travail lors des premières années, Nocturne a évolué vers une musique plus électronique et rythmique, tout en renouvelant les thématiques explorées. Cette biographie s’articule autour de la présentation des principaux opus de Nocturne, en s’arrêtant plus en détail sur l’évolution observée ces dernières années, jusqu’à la sortie du disque Hypnose générale de 2017.


1995 - 2002 : Début du projet et concept originel

Le nom de Nocturne s’inspire du titre d’une émission de radio diffusée sur Tours, animée par Saphi de 1996 à 2000 et précédemment, entre 1990 et 1995, par Erik Konofal, du groupe Les Joyaux de la princesse. Tous deux partageaient un intérêt pour le passé de l'Europe, et leurs projets respectifs évoluaient au sein d’une même scène musicale, avec des morceaux industriels qui se paraient de samples à caractère historique. Il y avait cependant des différences notables entre les deux projets car, si Les Joyaux de la princesse développait des ambiances de nature surtout atmosphériques, Nocturne proposait déjà des morceaux plus proches d’un dark ambient aux accents bruitistes. La portée idéologique véhiculée par les travaux des Joyaux de la princesse n’avait également que peu de rapport avec les intentions de Nocturne, dont le travail avait d’abord une visée documentaire.


Les deux premières cassettes de Nocturne sont sorties sur Art Schock, structure créée par Saphi mais qui n’était pas qu'un simple label. Dans une interview de 1999, le lien entre Nocturne et Art Schock y est décrit ainsi : « Art Schock regarde en arrière et propose dans ses œuvres une étude sur l’Histoire. Nocturne est une expression d’Art Schock. Nocturne est un concept historique et une expérimentation sonore. C’est une vision de périodes et d’évènements passés que je veux voir et percevoir. C’est un concept qui ne fait qu’un, entre musique et esthétique. » La connexion entre musique et Histoire était en effet au centre du projet, et la mémoire collective ou la culpabilité faisaient partie des réflexions soulevées par Art Schock, dont Nocturne incarnait l’expression sonore.

Les notions de choix et de libre arbitre occupaient également une place importante dans les interrogations de Nocturne, comme a pu l’expliquer Saphi dans une interview donnée en 2009 : « Je viens d'une génération dans laquelle nous sommes nés coupables de ce que nous n'avons pas fait, c'est le poids de l'Histoire et le péché originel, et nous sommes devenus coupables de ce que nous voudrions bien faire. » L’entrave à l’action personnelle ne serait donc pas que de nature environnementale (la pression du groupe, le besoin de reconnaissance, le regard de la société) mais aussi, en quelque sorte, atavique. Ce fameux poids de l’Histoire, qui nous ralentit finalement tout autant que le frein sociétal.


À travers ses premières productions, Nocturne entendait donc revisiter les douleurs et les tragédies de la Seconde Guerre mondiale par le biais de morceaux industriels aux atmosphères variées. Ambient et bruitistes sur les deux premières cassettes (Frieden / Krieg en 1995 et Cendres en 1996), tout en évolution noise sur le maxi Offensive… de paix (1998), expérimentales et tendues sur le second maxi Kommando Holocauste (2000), ou plus climatiques sur le premier CD de Nocturne, Kapitulation, sorti en 2001. L’utilisation de samples, d’extraits de chansons et de discours d’époque était importante, et apparente les morceaux à des sortes d’illustrations ou de documentaires sonores liés aux faits historiques abordés (la reddition de la France en 1940 sur Kapitulation ; les victimes de la guerre, les prisonniers du ghetto et les morts de l'Holocauste sur Hymn for Herest I & II, sorti en 2002).

Une nappe de violon réverbérée sur un fond de rythmique désincarnée introduit l’hypnotique « Les Sanglots des violons » et donne le ton. Hymn for Herest I & II est un album dur et froid, aux atmosphères dramatiques teintées d’heavy electronics, véritablement hanté par l’oppression et l’austérité. C’est par ailleurs le premier disque où quelques paroles audibles apparaissent. Noyées sous les effets sur « H.F.H. (Part 2) », ou avec un texte plus identifiable, mais qui fait froid dans le dos, sur le très death industriel « Herest au ghetto (Hell Version) » : « Cette haine qui m’habite ne présage que le pire. »


À noter que cette même année, Nocturne participe au coffret de 10xLP Security of Ignorance, avec un disque proposant deux longues plages expérimentales, évoluant entre atmosphérique sombre et trames plus bruitistes.

Durant la première phase de Nocturne il n'y eut qu'une seule collaboration, avec le projet allemand Axon Neuron / Vagwa, sous le nom de Europaplan. Armes de vengeance / Vergeltungswaffe est leur unique disque, sorti aussi en 2002. Il relevait d'une veine industrielle atmosphérique et incluait de nombreuses archives sonores de la Seconde Guerre mondiale, avec pour thème principal cette arme de représailles allemande qu’était le missile V2.

2003 - 2007 : Évolution et élargissement des thématiques


En 2003, un tournant majeur s’opère, avec la découverte du roman Docteur Mabuse, écrit dans les années vingt par Norbert Jacques et adapté au cinéma par Fritz Lang. Un projet de ciné-concert est mis en place sous le titre Terroriser Manipuler Convaincre, dont un album sera tiré en 2006. Premier changement dans l’histoire de Nocturne, qui va engager Saphi dans l’exploration de thèmes plus personnels. Ce disque est aussi celui d’une forme de maturité sonore, avec une finesse accrue en ce qui concerne les textures. Un saut qualitatif en quelque sorte, en termes de densification mais aussi de précision des ambiances proposées. Sorte de réinterprétation ambient noise du film, Terroriser Manipuler Convaincre reste cependant un album à forte teneur conceptuelle.


Fleisch und Metall, sorti en 2007, est un album découpé en plusieurs parties, et qui mêle à l’électronique de nombreux sons métalliques ou de machineries. Le premier acte, intitulé « Fleisch und Metall », est une bande son qui a accompagné l’exposition « Chair & Métal », qui s’est déroulée à Tours en 2003. Ces morceaux, ainsi que ceux de la seconde partie (« Rien à friche ! »), reposent sur des ambiances aux structures complexes, organiques ou plus abrasives. Le dernier acte, « Fragments de mémoire », conclut l’album avec trois titres expérimentaux qui demeurent cependant fidèles à l’unité sonore très industrielle de l’album. L’utilisation d’archives, de samples et de sonorités que l’on imagine liés à la construction navale et au monde ouvrier, confère à ces trois morceaux une dimension sociale indéniable.



Vers le vide, paru en 2009, comporte en fait des pièces créées entre 2004 et 2007. Nappés de drones souterrains ou de lentes mélopées mélancoliques, drapés d’un bruitisme tellurique ou parsemés de samples instrumentaux ou vocaux, les titres de cet album sont tout en strates atmosphériques très texturées, et certains d’entre eux s’inscrivent dans une veine dark ambient de très belle facture, telles les trois parties du morceau « Pressentiment ». Un sentiment indicible de langueur, voire de renoncement ressort de ce disque sensible et onirique, qui arrive à conserver un équilibre incertain entre abandon et contemplation.


Working Ecstasy, double CD sorti en 2010, est résolument plus abrupt. Le CD Working propose des enregistrements de 2007, époque où Saphi a commencé à expérimenter avec des noisers et des machines électroniques de sa conception. Un tournant sonique s’opère donc, avec une part importante de titres appartenant à une veine plus dure, et ce premier CD évolue ainsi entre expérimentations abstraites et progressions bruitistes. Le dernier titre de Working, « Live Act II No Lies », est un morceau rythmique et noise préfigurant la direction plus électronique dans laquelle va s'engager Nocturne ensuite. La seconde partie du diptyque, Ecstasy, présente des morceaux créés en 2009 et 2010, et enfonce le clou. Les titres les plus ardus sont basés sur des trames obscures ou plus harsh, des drones denses ou des motifs saturés. Et même si certains morceaux ramènent un calme relatif au sein de pareille tension sonore, l'ensemble reste sans concession. Certains intitulés de titres ne laissent d’ailleurs que peu de doute quant à leur teneur profondément brute (« Extrême Venin », « Cris sans larme » ou  « Mass Suicide »).


En fait, le tournant décisif pris par Nocturne s’est produit fin 2005, avec la rencontre de Cécile, violoniste venant du milieu classique. Durant les années qui vont suivre et jusqu’à l’aboutissement du disque Hypnose générale de 2017, Nocturne va ainsi complètement se réinventer. Le dernier album sorti avait en fait déjà donné quelques indices sur cette évolution car, bien que Working Ecstasy soit l'œuvre du seul Saphi, c'est bien le duo avec Cécile qui apparaît au sein du livret, sur des photos d'un concert de 2010.


2007 - 2017 : Période de transition et d’expériences

À ses débuts, Nocturne n'a donné que peu de concerts ; quelques-uns en 2001 en Angleterre, notamment au festival Stigma à Londres, ainsi que quelques ciné-live de Terroriser Manipuler Convaincre par la suite. Mais, durant cette décennie de réorientation, Nocturne expérimentera énormément en live, que ce soit en solo, sous la forme du duo Saphi-Cécile, ou avec d’autres collaborateurs. Au point de vue des compositions, les textes vont devenir prééminents et les paroles tendre à dessiner les contours d’une humanité aliénée et en perte de repères. Les concerts de Nocturne ne sont par ailleurs jamais complètement identiques mais adaptés spécifiquement à chaque évènement. On peut ainsi retrouver en live d’anciens morceaux complètement revisités du fait de la nouvelle orientation sonore du projet, entre électronique sombre et noise rythmique. C’est aussi lors de ces concerts que seront proposés certains titres, parfois d’ailleurs sous un autre intitulé, qui allaient composer au final Hypnose générale.



Les tenues de scène, des blouses blanches utilisées dans le milieu hospitalier, sont un signe distinctif de Nocturne en concert. L’emploi de masques, d’uniformes et de tenues diverses a toujours fait partie de l’héritage industriel, et est d’abord destiné à créer un profond impact visuel. Ici, deux aspects se dégagent de l'utilisation de ces blouses. D'une part, des tenues identiques renvoient à une notion de collectif : déposséder l'individu de sa propre identité en vue de privilégier l'intérêt du groupe. D'autre part, la symbolique de ces blouses apporte une dimension médicale singulière. Les opérateurs de Nocturne sont les cliniciens de notre inhumanité, et leurs outils thérapeutiques sont leurs sons et leurs textes.


Saphi va également créer une chaîne vidéo où, en complément des extraits live, des morceaux collaboratifs et des bandes-son de ses propres performances, seront régulièrement proposés des titres qui s’apparentent à de courtes réflexions sur les thématiques qui sont au centre de ses préoccupations. Si certaines de ces vidéos sont basées sur des compositions très noise, ou plus ambiancées du fait qu’elles incluent des sons du monde extérieur, celles qui comportent des textes tendent à se rapprocher de chroniques d’humeurs froides, ou se font plus introspectives et poétiques. Elles sont majoritairement illustrées par des images détournées, et les ambiances sonores vont de constructions bruitistes à des illustrations plus abstraites et éthérées.


Les textes de ces morceaux sont parlés, et si certains ont une teneur plus onirique, la majeure partie apparaît comme des sortes de pamphlets, de courtes diatribes contre un monde malade et désespéré. Les paroles y transpirent le désarroi, la frustration, et dépeignent une humanité hypnotisée et à genoux. Ce véritable laboratoire créatif que sera cette chaîne aura finalement pour but de fixer des réflexions conceptuelles et sonores à un moment précis, sans viser à ce que ces créations évoluent forcément vers un morceau achevé, mais certains finiront tout de même comme tels. Ainsi, en passant par cette phase de transition, plusieurs titres d’Hypnose générale ont connu des premières versions alternatives diffusées via cette chaîne.


En studio, Saphi continuera de développer en solo des compositions bruitistes, axées sur une recherche du bruit envisagé comme un agent libérateur, ou tout au moins déclencheur de l’action. Divers textes de présentation réalisés au fil des dernières années intègrent d’ailleurs des formules incluant une notion de « bruit » différant de sa définition usuelle en tant que nuisance (« La marque des faiseurs de bruit »« Du bruit parmi nous, dans l’incohérence qui nous rend fou », ou encore « Je fais du bruit parce que je suis vivant et que j’aurai tout le temps d’être au calme »). Les morceaux apparus sur les compilations durant cette période en témoignent, car ces derniers sont définitivement plus frontaux que les « chansons réalistes industrielles » qui dans le même temps commençaient à être composées avec Cécile.



2017 : Le disque Hypnose générale


L'année 2017 est donc celle du renouveau de Nocturne. L’album Hypnose générale marque en quelque sorte l'aboutissement des recherches sonores et thématiques développées au cours de la décennie précédente, tout en annonçant une nouvelle ère pour le projet, désormais incarné en un duo. Nocturne a évolué en direction d’une musique plus rythmique, où les vocaux ont également acquis une place prépondérante. Saphi est aux machines et aux synthés analogiques, et est également l’auteur de la grande majorité des textes, tandis que Cécile tient le violon, deux textes étant par ailleurs signés de sa main. Les compositions se développent tout en progression électronique, avec l'utilisation de nombreux effets de modulation et d'arpeggiator, complétés par l'apport singulier du violon.


Ayant écrit une chronique de Hypnose générale, j'invite le lecteur à s'y référer pour découvrir plus en détail ce dernier disque en date de Nocturne.

Un nouvel album est actuellement en cours de réalisation : Hiver Mental.

Collaborations et projets annexes

Bien plus qu’une entité musicale, Liberator était une prise de position dont le terrain privilégié était celui de la place publique, avant celui de la scène confortable des concerts. Au cours d’interventions non autorisées en milieu urbain, Saphi se présentait souvent seul, mais lors des concerts, qui se rapprochaient plus de performances car le discours y était très théâtralisé, Andras Von Rotenfinger était aux machines. Saphi, sous le pseudonyme de Saint Pire, se chargeait des paroles et, par rapport à celles de Nocturne, ses textes amers et sentencieux poussaient encore plus avant ce rapport de force entre l’individu soumis et un monde sociétal oppressant. Un seul disque éponyme, de courte durée, est sorti en 2007.


Saphi est également le second opérateur au sein de la formation bruitiste Le Syndicat faction vivante, initié par Ruelgo, du projet Le Syndicat. Artisan du bruit depuis plus de 35 ans, Ruelgo a toujours défriché avec passion des territoires sonores extrêmes, entre expérimentations radicales, électro-noise rythmique et bruitisme lyrique. Sculpture sonore en mouvement, Le Syndicat faction vivante repousse encore les limites d’un concept bruitiste instinctif, puisant tant dans une forme d’improvisation maîtrisée que dans une création interactive en direct. Plusieurs productions ont vu le jour depuis le début de la collaboration en 2014, dont deux sorties sur Aussaat, le nouveau label de Willi Stasch (ex-Cthulhu Records).


En tant que technicien du son, Saphi a aussi effectué le mastering de plusieurs albums de groupes industriels français, comme Minamata et Le Syndicat. De plus, en parallèle de ses activités musicales proprement dites, il a produit de nombreuses pièces sonores, des compositions pour des installations, des pièces de théâtres ou d'autres œuvres scénographiques, écoutables via sa chaîne, qui diffuse également des concerts de Saphi en direct. Il a également monté le projet La Fabrique de souvenirs, dispositif interactif et participatif construit à base de tuyaux en plastique reliés à des effets d’échos, principalement destiné aux enfants.

En 2020 Saphi à lancé le side-project Inomi Gambler dont les créations sont réalisées à partir d’enregistrements de sons naturels extérieurs reliés à ses noisers faits maison, retravaillés en direct. Trames lointaines, crépitement telluriques, bourdonnement souterrains et field recordings acousmatiques forment ces fonds sonores habituellement non audibles, ici mis en avant et évoluant entre atmosphères noise et ambient abstrait. À noter par ailleurs que la collaboration avec Cécile s’opère également en dehors de Nocturne, dans le cadre de projets à visée plus théâtrale et institutionnelle. Telle l’installation In Vivo, promenade sonore audio-guidée destinée à observer un échantillon d’hommes modernes dans leur milieu naturel reconstitué, sorte de vivarium à ciel ouvert.

Hypnose générale est sorti sur le propre label de Saphi, Art Schock qui avait déjà édité les premières productions de Nocturne. À cette époque, Art Schock était aussi l’association par laquelle Saphi réalisait des visuels pour d’autres groupes. Décors pour Les Joyaux de la princesse en 1996, bannières pour les concerts de Der Blutharsch, Blood Axis et Death in June en 1998 (Saphi et Art Schock sont mentionnés à ce propos dans les biographies de Death in June et Blood Axis, toutes deux traduites en français en 2012 chez Camion Noir). Cette structure a nettement évolué depuis les années quatre-vingt-dix et englobe désormais l’A.C.E. (Atelier de création expérimentale).

Sous l’égide de ce collectif, depuis 2007, Saphi a organisé des concerts de musique industrielle, d’abord sur Tours et Orléans, et désormais sur la région de Nantes. Y ont été invités des vétérans de la scène industrielle française (Minamata, La Nomenklatur, Le Syndicat, Pacific 231), des formations plus récentes (PPF, Flint Glass, Babylone Chaos), Costes à plusieurs reprises et, une unique fois, une formation non-française, à savoir les Japonais de Contagious Orgasm. Saphi a continué à créer différents supports pour ses projets (badges, drapeaux, écussons, bannières) lesquels sont utilisés sur scène, pour Liberator ou, plus récemment, pour Nocturne et Le Syndicat faction vivante.


Discographie : présentations & chroniques

Frieden / Krieg (1995, Tape, Art Schock)

Cendres (1996, Tape, Art Schock)

Offensive... de paix (1998, 10", Tesco Organisation)

Kommando Holocauste (2000, 10", Old Europa Cafe)
. Présentation : Old Europa Cafe
. Chronique : Spectrum (scan)

Kapitulation (2001, CD, Stateart)
. Présentation : Equilibrium Music
. Chronique : Gangleri

Hymn for Herest I & II (2002, CD, Old Europa Cafe)
. Présentation : Old Europa Cafe
. Chroniques : Discogs / Gangleri

Security of Ignorance (2002, LP dans un coffret, Thaglasz)
. Présentation : Old Europa Cafe

Le Dernier Jour (2005, 7", Cold Lands Distribution)
. Présentation : Old Europa Cafe

Terroriser Manipuler Convaincre (2006, CD, Old Europa Cafe)
. Présentation : Old Europa Cafe
. Chronique : Discogs

Fleisch und Metall (2007, CD, Steinklang Industries)

Vers le vide (2009, CD, FinalMuzik)
. Présentations : FinalMuzik / Cold Spring
. Chronique : Nocturne

Working Ecstasy (2010, 2xCD, Old Europa Cafe)
. Présentations : Old Europa Cafe / Cold Spring
. Chroniques : Heathen Harvest / Nocturne

Hypnose générale (2017, CD, Art Schock)
. Présentations : Nocturne, Old Europa Cafe
. Chroniques : Atypeek (scan) / Nocturne / dMute / Dark Entries

Sites de Nocturne :

47Ashes (1999-2004)

« Of my bizarre you must beware »


Pierre fonde 47Ashes en 1996, bien que la première parution discographique n’ait vu le jour que trois ans plus tard. Ce projet proposait des ambiances sonores à base de boucles modifiées et de motifs hypnotiques, teintées d’industriel martial ou plus atmosphériques, quoique souvent bien plus noise. Entre 1999 et 2001, 47Ashes a sorti cinq mini-albums qui constituent un cycle tant conceptuel qu’esthétique, dont chaque opus, d’une durée de quinze minutes et limité à 47 copies, explore une thématique précise : le mouvement europaganiste, la figure de l'écrivain J. G. Ballard, le chaos urbain ou encore les théories conspirationnistes.

En 2001, a lieu la première des trois collaborations avec Melek-Tha, qui va amener 47Ashes à se renouveler, tout en conservant son intérêt très marqué pour le folklore ésotérique. Ainsi, à partir de 2002, bien qu’utilisant des moyens techniques minimalistes, la production des morceaux gagne en qualité grâce au mixage réalisé par Melek-Tha, et les disques plus longs qui sortent ensuite vont élargir le spectre sonore des compositions. Le sens de l'humour second degré de Frère Saint Pierre, si atypique au sein du mouvement industriel, reste bien présent, comme en témoignent les titres des albums Ragnarokaraoke ou Heilige Flammekueche.


Graphiquement, 47Ashes a poursuivi une ligne visuelle très singulière, d’une orientation cabalistique lors de son premier cycle, et de facture plus ludique et décalée avec les trois disques suivants. La création d’un vocabulaire spécifique est également un élément important de 47Ashes, au sein duquel l'articulation alchimique de mots clés transforme les titres des morceaux en incantations phonétiques, en évocations abstraites et énigmatiques : « Ultrapocalysong », « Thule Teenagers »,  « Tatooeed Tits, Turntable, Totentanz », « Europalcoholocaust » ou encore « Abracadabraxas ».

De manière plus générale, en brouillant volontairement les références culturelles obscures qui sont abordées au sein du projet, 47Ashes s'est finalement façonné une mythologie toute personnelle. Le dernier disque fut My Bivouacs in Your Bunkers, non autoproduit comme les précédents mais sorti chez Cynfeirdd en 2004. Album auquel un certain nombre d’invités ont indirectement participé, soit avec des interventions enregistrées à distance (Der Bekannte Post Industrielle Trompeter) soit avec l’apport de sons ou de boucles que 47Ashes s’est réappropriés (Claudedi de Ain Soph, Skin Crime, Melek-Tha).


« Why your girlfriend doesn’t like this music »

Discographie descriptive, chaque fois un lien renvoie vers le site officiel de 47Ashes et des extraits à écouter :

Bribes de voix ou de sons devenant rythmiques, phrases déconstruites, boucles rituelles, sons du réel et bruits acousmatiques sont les bases du travail de sampling de ce premier mini-album décapant.

Ambiances martiales minimalistes ou plus orchestrales, caisse claire, synthés et samples vocaux, danse macabre aux relents ethniques, ce second disque se focalise sur la nature du « rythme ».

Noise atmosphérique, electronica magnétique, trames électroniques vrombissantes et motifs mélodiques immatériels confèrent à cet opus subtil un rendu définitivement organique et lancinant.

Une esplanade résidentielle, où les agissements incivils d'une jeunesse délinquante sont captés par des microphones cachés, forme le décor de ce documentaire brut. Ambiance de saccages urbains, scooters rugissants, aboiements de pitbulls, insultes et nuisances diverses sont les éléments caractéristiques de ce milieu urbain hostile, véritable zone de non-droit où le terrorisme social et sonore est la seule loi.

Disque composé uniquement de morceaux d'une minute, dont chacun repose sur une boucle multicouches de bruit blanc complexe et d'électronique froide et abstraite, au rendu rythmique, harsh noise ou plus ambient.

La « série brune » des mini-albums achevée, les trois productions suivantes s’inscriront dans des formats de durée plus classiques, les morceaux se voyant davantage développés sur la longueur, tout en conservant une unité sonique toujours artisanale. L’intitulé des titres indique la permanence des thématiques précédemment investies, qui sont toutefois renouvelées à travers le prisme, toujours décalé, de Frère Saint Pierre.

Si les boucles étaient déjà bien présentes au sein du premier cycle, elles sont désormais au centre du projet, elles en sont l'essence. Chacune d'elles est minutieusement travaillée et mixée, les structures sont plus finement masterisées, donnant à entendre des morceaux industriels aux ambiances riches et de styles variés : dark ambient, harsh noise, martial, atmosphérique, voire rituel. Le côté minimaliste, en termes de sonorités en action, reste de mise, toujours dans l’esprit de « forger l'énergie primale du son ». Chaque piste est un voyage intérieur hypnotique, une vision sonique tourmentée, ésotérique ou plus ludique.

- Ragnarokaraoke (04/2002)
- Heilige Flammekueche (04/2003)

De nombreuses sources sonores ayant été fournies par des contributeurs extérieurs, ce dernier disque propose des morceaux aux atmosphères sensiblement plus variées que les deux longs formats précédents, tout en préservant l’esprit particulier de 47Ashes. Les cinq « bivouacs » de l'opus sont, sur fond de substrat noise, de courtes ponctuations où les solos de trompette de Der Bekannte Post Industrielle Trompeter versent dans l’expérimental, l’ambient ou des tonalités plus enjouées. Considérant avoir atteint une forme d'aboutissement, tant musical que conceptuel, cet album constitua le testament sonore de cet ambitieux et étonnant projet qu'aura été 47Ashes.


Après 47Ashes : Irrumatorium

Le dernier projet en date de Pierre a été créé en 2008. Irrumatorium proposait des expérimentations, atmosphériques ou plus bruitistes, composées uniquement à base de synthétiseurs numériques, mais dans un esprit old school. Un unique disque est sorti en 2009, Also Sprach My Ass, édité chez Steelkraft Manufactory. Il y a eu également plusieurs collaborations avec Melek-Tha, là encore autoproduites sur son propre label, comme cela avait déjà été le cas pour celles avec 47Ashes.

Avant 47Ashes : Doktor Batkampf, In Zhe Gaza Megakitsch, Le Serpent Secret Occidental.

À l’ère des cassettes et des enregistreurs quatre pistes analogiques, Pierre avait déjà eu plusieurs projets de styles très distincts de celui de 47Ashes. Après des débuts empreints de post-punk sombre à la fin des années quatre-vingts (Doktor Batkampf puis Ici L’Ombre), c’est surtout l’entité électro-rythmique In Zhe Gaza Megakitsch, active entre 1991 et 1994, qui laissera la trace la plus notable. À noter, en 1995, la courte parenthèse du projet ambient et noise Le Serpent Secret Occidental.


« La vérité est un chien assis de l’autre côté du mensonge »

On peut remarquer que des traces des groupes précédents de Pierre sont repérables au sein du cycle des cinq premiers mini-albums de 47Ashes, ces « cendres » des projets passés, disséminées avec malice, dévoilant, s’il était encore besoin, le caractère si original du projet.

. 2e CDr - Songs for the Final Barbecue : en bonus figure « L’Appel », morceau live datant de 1992. Bien plus lent et martial que les brontorythmes apocalyptiques caractéristiques de In Zhe Gaza Megakitsch, ce morceau s’insérait finalement de façon assez adéquate dans la thématique de ce disque.
. 3e CDr - Noise, Napalm & Necropsy : disque composé uniquement de titres retravaillés de la cassette de 1995 du projet Le Serpent Secret Occidental.
. 4e CDr - Hallali Héboïdophrénique : au centre d’une back cover alternative du disque, on retrouve l’image du Doktor Datkampf, utilisée sur l’unique cassette sortie sous ce nom.
. 5e CDr - Morgensheutegesternwelt Pop Music : le dernier morceau, « Thule Teenager », utilise le même extrait cinématographique que l’interlude présent en face B de la première cassette de In Zhe Gaza Megakitsch, Godzilla vs Aleister Cröwley.


Archives & liens

. Chroniques des disques sur les sites Heimdallr et The Noiseist, archivées sur le site officiel de 47Ashes.
. Interviews de 2001 (archive 47Ashes) et 2003 (fanzine Cynfeirdd).
. Article « 47Ashes ou le dévoilement de la stratégie de la tension », paru dans la newsletter Life Without Sex en 2002, incluant notamment une discographie commentée par Bärn Balta (fanzine et lien sur le site officiel).
. Morceaux de 47Ashes tirés du split album (double CDr) avec Melek-Tha, The Earth Abomination (2001).
. Mp3 de tous les albums.

. Chroniques du disque sur les sites Guts of Darkness et Institut Freiberg.
. Photos du concert à Paris en 2009, organisé par Amortout.
. Album Also Sprach My Ass (2009), écoutable sur le site du label Steelwork Maschine.

. Biographie du projet et présentation de ceux qui l’ont précédé (Doktor Batkampf, Les Waterloo’s, Ici L’Ombre), ainsi que du court projet expérimental Le Serpent Secret Occidental.

In Zhe Gaza Megakitsch (1991-1995)

« Martel Muznick with Explicit Rythmicks » 



Pierre a fondé In Zhe Gaza Megakitsch en 1991, formation dont on pourrait rapprocher le style musical de celui de Dive, dans une version plus bruitiste et épileptique. Cependant, la première cassette sonnait plutôt comme une continuation de ses groupes précédents, bien que sur un mode plus industriel, et la deuxième réunissait des compositions plus expérimentales et noise. Ce n’est qu’en 1992 que l’identité musicale du projet se forge réellement. Brontorythme apocalyptique, distorsion amphétaminée, bruitistosaure frénétique et voix trafiquée définissaient la démarche sonore de In Zhe Gaza Megakitsch. Par ailleurs, à l’inverse du ton sérieux propre au mouvement industriel de l’époque, l’univers conceptuel du projet était très parodique, empreint d’un humour au second degré très marqué. Cet aspect se retrouvait aussi dans les tenues scéniques gadgétisées qui étaient endossées lors des concerts. 


L’univers graphique du groupe, créé à base d'images détournées, de collages, de typographies hallucinatoires et d’une orthographie totalement extravagante, venait parachever l’excentricité survoltée du projet. In Zhe Gaza Megakitsch a sorti plusieurs cassettes autoproduites, de très courtes durées et portant des titres souvent fantasques, mais toujours évocateurs : Godzilla vs Aleister Cröwley, Oui-Ja Oui-Ja !, ou encore Fuck Me Like a Panzer-Schlaggen. À noter, sur cette dernière, la participation de Yvon Million, du groupe cold-wave Neutral Project, aux backing vocals sur le morceau-titre. Rien d’étonnant en fait, puisque celui-ci a apporté une aide technique sur les premiers enregistrements du projet, et a également distribué ses premières cassettes. In Zhe Gaza Megakitsch a aussi participé à de nombreuses compilations, la dernière étant le CD Body Frequencies sorti en 1995 sur le label italien Minus Habens, avec entre autres Dive, Esplendor Geométrico, Nightmare Lodge ou encore Kapotte Muziek


Avant IZGM : Doktor Batkampf, The Waterloo’s et Ici L’Ombre 

Avant ses projets plus industriels, Pierre avait déjà mis sur pied plusieurs groupes dont la musique était structurée autour d’une boite à rythmes et de guitares saturées, d’un style dark-punk pour Doktor Batkampf et The Waterloo’s en 1988, ou teintée de post-punk amorphe avec Ici L’Ombre. Ce duo utilisait déjà une typographie et un graphisme singuliers, tout en étant fidèle à l’esprit de la culture do it yourself des années quatre-vingts. L’importance accordée à l’aspect visuel est déjà à souligner, puisque c’est une démarche esthétique qui se poursuivra et évoluera tout au long du parcours de Pierre. Concernant Ici L’Ombre, on notera que Yvon Million avait déjà aidé à la production de leur unique cassette, Sleepbunker & Sexmuppets, sortie en 1989. 


Après IZGM : Le Serpent Secret Occidental 

En 1995, un projet ambient et noise, basé sur des bandes mises en boucle et diverses expérimentations, a vu le jour : Le Serpent Secret Occidental. Une cassette est sortie (Play at Minimum Volume), ainsi qu’un 45 tours (Girls Love Disco / Violent Death Feed-Back Experience). Cette parenthèse expérimentale fera ainsi la transition avec le second projet sonore d‘envergure que Pierre développera ensuite : 47Ashes


Archives & Liens 

. Extraits :
. Photos de concerts de 1992 et 1993. 
. Un article (1992) et des chroniques (1992-1993) dans des fanzines de l’époque. 
. Newsletter (1992) incluant la liste des cassettes et des reviews.
. Interview (1992) de Eternité Minimale, le label de Neutral Project mais également petit label de distribution à l'époque, où Pierre évoque In Zhe Gaza Megakitsch.
. Différents visuels créés par Mister Kirschner. 
. Article sur le « minimalisme rythmique » écrit par Pierre, édité sous forme de newsletter et reprenant celui qui était paru (sous le titre de « Music for Drum Boxes ») dans le sixième numéro du fanzine Symposium en 1994. 
. Mp3 des six cassettes sorties entre 1991 et 1994 

. Chronique de la split tape The Waterloo’s / Flagrant D’Eli sortie en 1988. 
. Dessins de Dok Batkampf dans le fanzine punk Opus Incertum édité en 1988. Autres traces de sa participation à des graphzines collectifs en 1988 : Disco Totem ou encore Pirates
. Affiche (1990) pour l’émission de radio punk et new-wave British Connection, dont Le Dok était proche à la fin des années quatre-vingts. Dans les archives photos de cette émission, on peut l’apercevoir en 1989 avec les membres de l’équipe, ou bien aux côtés de groupes comme Little Nemo et Opera Multi Steel
. Interview de Ici L’Ombre dans le fanzine Street Zine en 1990. 
. Interview de Yvon Million de Neutral Project évoquant sa collaboration avec Ici L’Ombre puis In Zhe Gaza Megakitsch dans le fanzine Omega en 1993. 
. Mp3 Doktor Batkampf : cassette R Polizëi Du Psyche Shug VII
. Lien Youtube avec l'intégrale de la K7 de Doktor Batkampf R Polizëi Du Psyche Shug VII
. Mp3 The Waterloo’s : split tape Dictature à la 8e dimension

. Mp3 de la cassette Play at Minimum Volume

Book ‘Fight Your Own War - Power Electronics and Noise Culture’ (2016)


Harsh sounds, fierce vocals, controversial thematics, offensive visuals… Thirty years ago, who would have thought that such an antisocial musical niche will growth and evolve in order to define a scene on its own.

To preface my in-depth review of the book, let’s examine some of the power electronics’ definitions proposed within the volume.

Even though power electronics was initially connected to industrial music, it must be agreed that over thirty years, it has become more related to a genre of noise music. Yet, this tie to industrial music makes the first distinction between both styles: “power electronics differs from standard harsh noise in the fact that there are traces of a traditional song structure.”[1]

Besides, the power electronics genre “has multiple facets to it, and the subject matter varies between projects, but the skeleton beneath is a stripped-down approach where the vocals and lyrics define the band more so than the sonics. [And] when you take the vocal element out of it, defining power electronics against other experimental genres becomes cloudy.”[2]

Indeed, “the main factor separating power electronics from other forms of noise is the vocals (…), [whether they] are distorted and processed to the extent of forming another part of the noise, or clear and high in the mix, rendering important lyrics audible to even casual listeners (…)”[3]

As a matter of fact, the second main reason differentiating power electronics from noise is the intensity of the vocal, in addition to the extreme contents of the lyrics.

[1Stephen Petrus, p.47 - [2Scott E. Candey, p.45 & p.47 - [3Nathan Clemence, p.86

My complete review is on the site Special Interests.


Links of other reviews of the book:


Links of the editor’s interviews upon the project: Headpress – Flux


Images courtesy of the editor Jennifer Wallis & the publisher Headpress.

Le Syndicat Faction Vivante - Live in Brussels (2015)

« Sharpened Bruitism in Direct Mode is induced by Total Chance »

In December 2015, an important audiovisual event around industrial music took place in Brussels. Part of this program was a concert of the french Le Syndicat Faction Vivante, who is self-described as 'instant action training and final execution in public'.


This live action was performed by two operators: Ruelgo, the ultimate representative of the french bruitist band Le Syndicat, and Saphi, the leader of the project Nocturne


The visual aspect of the show has also highlighted the intensity of this concert: 2 mini-cameras were filming the operators’ hands in action, and the result was projected live on stage. A static camera captured an overall view and, on the balcony, I was in charge of a second one, shooting closeups or short camera movements.


Considering the variety of the sound performed during the show as much as regards the global visual aspect, the video of the concert is merely astonishing. It is also another major step in the bruitism endeavour that Ruelgo has continued to pursue since more than 3 decades.

A version in a lower quality is on the youtube channel of Le Syndicat.
More pictures of the show can be viewed here.



The first album of the band has been released in 2017 on Aussaat.




More information on the facebook of Le Syndicat Faction Vivante