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Nox - Rock En Rut

Musique industrielle et pourtant sexuelle, incantation précédant la chute du corps dans la poussière, chant tribal résonnant dans une zone urbaine désertée, Nox est un groupe majeur de la première génération de groupes post-industriels français.



Nox est le groupe créé par Gerome, qui en fut le pilier et seul membre régulier depuis sa création.

A la fin des années 70, il participe d'abord à plusieurs groupes dont les influences vont du Krautrock allemand (Neu, Can…) à la première vague du mouvement punk. Etudiant aux Beaux-Arts, Gerome aborde la musique avec un état d'esprit différent, déjà désireux d'utiliser le son comme une matière, et c'est un punk expérimental que propose les premiers projets où il s'implique. Il est vrai qu'en France, le punk revêt un côté bien plus arty qu'en Angleterre (où il est plus tourné vers des revendications sociales) et on y retrouve pas mal de personnes issues des arts plastiques ou de la peinture.

Il découvre ensuite la musique industrielle avec Cabaret Voltaire et Throbbing Gristle, et désire ouvrir plus amplement ses compositions à l'expérimentation. Avec Arno (guitare, voix) et Cécile Babiole (basse, voix, percus), Nox naît réellement en 1982 à Metz, le groupe existe depuis à peine 2 répétitions quand il livre sa première performance, ce concert extrême et primitif les incite à continuer.



Le nom du groupe, bien que voulant dire La Nuit en latin, est surtout choisit pour sa sonorité courte, percutante et prononçable partout dans le monde. Une notion que l'on retrouve aussi dans les vocaux, car bien qu'il y ait toujours eu des textes, ceux-ci étaient triturés pour se résumer au final à une forme phonétique. En parallèle le logo du groupe apparaît, inventé par Cécile et mis en forme par Gerome ; ces trois personnages se rapprochent de l'art africain, une influence réelle dans le groupe, que l'on retrouve aussi dans les programmations de la boîte à rythmes, répétitive et tribale.

En 1983, Nox participe au festival Nuit & Brouillard à Paris, avec Die Form, Berlinerluft (premier projet commun de Pacific 231 et Vox Populi!, Whitehouse, Psychic TV (finalement annulé), Art & Technique et Sprung Aus Den Wolken. Le collectif était d'ailleurs connu pour être très exigeant concernant ses prestations live et intégrait, comme Einstuerzende Neubauten à ses débuts, des percussions métalliques constituées d'objets divers récupérés dans la rue le jour même du concert.

Nox s'installe à Paris et autoproduit sa première cassette en 1984. Acte 1 est le fondement musical du groupe : une transe urbaine énergique et hypnotique, à base de rythmiques linéaires, de guitares abrasives et de voix rituelles.
Arno se retire ensuite du groupe, mais Cécile et Gerome rencontre Laurent Perrier au premier concert de Sonic Youth à Paris en 1986. Celui-ci s'implique très vite dans le groupe en tant que second guitariste, percussionniste et chanteur, et participe rapidement à l'enregistrement du disque en cours, qui sort sur le label berlinois Dossier Records. Le LP Session 84-86 comporte ainsi une face datant de 1984, à l'époque où Arno officiait encore dans le groupe, et une seconde avec ce nouveau line-up. Tout en restant répétitive et tribale, la musique s'étoffe, notamment grâce à l'accès à des moyens techniques plus importants.

Comme d'habitude, chaque base de morceau est toujours retravaillée par le groupe en entier et la manière de composer reste alors collective. Le radicalisme sonore de Nox s'accentue avec cet opus, et peut se rapprocher de certains titres des Swans.

En 1988 sort le vinyl Crowd 33/45 RPM sur le label nancéen Permis De Construire. Pour privilégier certain morceaux, une face du disque y est pressée en 45 tours (comme pour un maxi), améliorant ainsi le son grâce à un sillon plus large puisque gravé sur une plus grande surface. Cet album est plus mélodique, adouci par de nombreuses sonorités acoustiques.

En 1989 ressort en LP la première cassette, remixée et renommée Acte 1 : Back to the Roots !. Comme à l'origine les voix avaient été directement enregistrées pendant le mixage, elles ont dû être réinterprétées intégralement pour cette réédition, Gerome réenregistrant aussi celles précédemment réalisées par Arno.

Cette même année, rencontré par le biais de Permis De Construire où il était aussi signé, Laurent Pernice intègre Nox en tant que percussionniste.



Le CD Live à la Manufacture sort également chez Permis De Construire Deutschland et, bien que simplement enregistré sur un walkman stéréo, ce disque transpire de l'énergie tribale brute et envoûtante que le groupe dégage en live. Leurs performances participent de la confrontation et de l’engagement, et si jamais il y a un message chez Nox, c'est par la musique qu'il passe. L'essence de la révolte y est exprimée de façon énergique et binaire, remettant ainsi en question une certaine forme de modernité en y insufflant des notions de brutalité et d'instinct premier.

Toujours en 1989, sort le LP 25cm Rut chez Odd Size, auquel seuls Laurent Perrier et Gerome participent. Quasiment instrumental, l'album développe des climats froids et oppressants, la priorité étant donnée à des nappes sonores puissantes et hypnotiques, peuplées d'innombrables guitares.

En 1990 sort le dernier opus du groupe, Killin' Drive Power, en hommage à JG. Balard (auteur du livre Crash !) qui sonne plus rock, lourd et lancinant, pouvant évoquer Ministry par endroits. Une énergie incendiaire pour un album qui marque également l'apparition du mot articulé, mais qui ne retire rien à la puissance du cri.

Cécile Babiole quitte le groupe pour s'impliquer définitivement dans ses propres projets audiovisuels, et Nox ne se produisant plus trop en live, Laurent Pernice, pour qui c'était une motivation majeure, le quitte aussi. Réduit à l'état de duo, le groupe enregistre un disque qui ne sortira finalement jamais, et Nox s'arrête définitivement en 1994.


Cet article a été reproduit ou cité ici et ici.
Cet article est initialement paru en 2006 sur le webzine Obsküre, et quelques corrections y ont été apportées en 2016.